Résumé
Au milieu des années vingt du siècle dernier Brecht commença à étudier le fonctionnement de l’économie capitaliste et la spéculation boursière. C’était évidemment leur impact sur la société bourgeoise qui constituait l’objet de son intérêt. Animé par la lecture de romans américains jouant dans les milieux boursiers, il commence deux projets d’écriture – Dan Drew et Jo Fleischhacker à Chicago – qui ne seront jamais finalisés. Mais ces travaux préliminaires se retrouveront, en partie, dans La Sainte Jeanne des abattoirs, pièce dans laquelle Brecht introduit la thématique de l’Armée du salut. Cette dernière constitue, son nom le dit bien, un contrepoint dramatique aux marchands de bestiaux. Mais loin de construire une histoire où tout est soit blanc soit noir, Brecht met en évidence la complémentarité des actions sociales menées par Jeanne et ses « Chapeaux noirs » avec la brutalité des mœurs dans les abattoirs de Chicago. La pièce doit, selon Brecht, montrer l’homme faustien au stade présent de son évolution. Nous publions ici la version de 1937, celle de dernière main, que Brecht considéra comme définitive.
Extraits
« LES OUVRIERS. Partons tous ensemble, on les emmerde eux et leur salaire, qui se réduit de jour en jour. Ça fait longtemps, que ce travail nous dégoûte, cette usine est un enfer, et seules les terribles misères, dans la froideur de Chicago, nous retenaient dans ces entrepôts. Mais maintenant on ne peut même plus, pour douze heures de travail, acheter du pain rassis, ni même un pantalon. Autant partir d’ici et crever tout de suite ! » p 13
« SLIFT. Que t’écrivent tes amis de New York?
MAULER. Des théories. À les écouter, il faudrait laisser tout le cartel de la viande, s’enliser pendant des semaines, jusqu’à ce qu’il ne moufte plus, et moi j’aurais toute cette viande sur le dos! Absurde !
SLIFT. Je rirais bien si ceux de New York arrivaient vraiment à faire tomber les barrières douanières au sud, provoquant ainsi une hausse. Et nous, on aurait raté le coche !
MAULER. Et même si! Est-ce que tu aurais le courage, de faire ton beurre sur cette misère, alors que ces lynx épient les moindres gestes pour savoir, qui fait quoi ici? Moi, je n’en aurais pas le courage. » p 44
« JEANNE. Si les Chapeaux noirs acceptent votre argent, qu’ils le fassent, mais moi je veux aller m’asseoir, à côté de ceux, qui dans les abattoirs, attendent la réouverture des usines, et ne rien manger d’autre que ce qu’ils mangent, et si on leur donne de la neige, et bien ce sera de la neige; et leur travail, je veux aussi le faire, car moi non plus je n’ai pas d’argent, et je ne peux rien obtenir, du moins pas de manière honnête, et s’il n’y a pas de travail, alors qu’il n’y en ait pas pour moi non plus ! » p 81
Distribution
Nb. de femmes : 3 | Nb. d'hommes : 11 | Nb d'interprètes : 14
Durée
140 min.